Pour huit mètres carrés!

Dimanche nous serons bien plus de trente dans l’église.

Des forts, des faibles, des laids, des jolis, des âgés, des bambins, des pratiquants, des outrés, des chrétiens, des voisins, des tristes, des joviaux..

Nous enverras-tu la troupe comme jadis?

Le commissaire de police, enlogé à la même enseigne que le sous-préfet qui peut tant pour son avancement, ce susucre des toutous du pouvoir, viendra-t-il nous compter?

Et si nous sommes trente et un, deux cent, mille, que nous fera-t-il? Où traînera-t-il notre curé? Dans quelle geôle sordide enfermera-t-on cet homme qui a tout donné et n’a rien pour vous?

Pour les courses “essentielles” on a droit à huit mètres carrés par clampin, on peut se croiser dans les rayons de Leclerc, poussant son caddie comme un coolie chinois jadis 

Mais pour ce qui n’a pas de prix, ce qui est encore plus essentiel parce qu’invisible, intime, sacré, on n’a même pas ces huit mètres carrés!

Tu charries, on dirait presque que tu y prends plaisir. Après avoir laissé croire qu’il y aurait, ce jeudi matin, un aménagement de notre peine, tu es resté droit dans tes bottes. Comme un soldat de plomb.

Que veux-tu? Le sais-tu?

À quoi veux-tu nous pousser?

Et si même tu le sais, que nous feras-tu si nous y allons?

Car nous irons!

Nos évêques, jusqu’ici si respectueux, obéissants, apaisants, sortent de la réserve qui sied à leur rang. Conduits par eux, nous irons, dimanche et bien d’autres jours ensuite, par tombereaux entiers adorer Dieu, communier, prier ensemble. C’est peut-être, mais je n’ose y croire, parce que tu sais qu’ensemble nous pouvons tout que tu essayes de nous morceler.

Mais nous sommes un bloc: les modérés, les tradis, les divorcés-remariés, les enfants de choeur, les chaisières, les diacres, les familles nombreuse et les  vieilles filles, les cathos de gauche, les tièdes et les ultras, les papistes et les sédévacantistes, les dames du caté, les messieurs de la quête et du conseil économique, les poissons roses et les “Sens Commun”, le PCD, les écolos, et tout un petit peuple que tu ne vois pas quand tu prends ce que tu appelles une décision. Et qui n’est qu’une hypothèse  muée en règle. D’autant plus ferme que tu ne peux la justifier.

À Saint Sulpice, dimanche, j’espère qu’ils seront plus de 200, avec huit mètres carrés chacun, et un coeur gros comme cela.

Et, dans ma paroisse, nous serons plus de trente sois-en sûr. Et je t’attendrai, avec tes gilets pare-balles, tes croquenots graissés, tes boucliers anti-émeute,… Si tu nous expulses, nous sortirons, dignes et fiers, humbles et silencieux (à moins qu’on chante?…) et nous suivrons tes pandores jusqu’au lieu de l’amende. Et nous paierons si tu l’exiges, car, avec toi, tout se paie.

Mais nous, certains d’avoir accompli notre devoir d’homme, nous repartirons joyeux, qu’on nous ait persécutés à cause de Lui.

Et le dimanche suivant, nous recommencerons, et toi aussi, probablement, encouragé par les barbichus, les haineux, les laïcards, les ignorants, les serviles, et toutes sortes de conseils de Défense, agiles comme des pachydermes, myopes aussi, avec leur mentalité de comptables trouillards, et leur bonne conscience de fonctionnaire, payé à proportion de son incompétence.

Nous y serons, chaque dimanche et parfois la semaine, et tu ne pourras tous nous compter, nous taxer, nous punir. C’est comme cela: tu es un peu seul et nous sommes si nombreux!

Nous aurons même l’outrecuidance de prier pour toi et tes sbires, comme si souvent, pour que tu voies enfin, que tu comprennes, que tu aimes plus que tu ne juges, que tu fasses plus souvent confiance que tu ne dresses procès-verbal.

Nous prierons pour la France et ses dirigeants, pour que la cécité qui les frappe tombe, que la hargne qui les anime s’effondre, qu’ils sachent enfin que deux cent catholiques dans une église ne sont une menace pour personne, pandémie ou pas.

Tu ne nous connais pas, mais tu vas apprendre.