Lettre d’un enfant aux islamistes.

Monsieur Daech,*

hier soir tes amis ont tué des gens dans ma rue, et aussi dans d’autres endroits où je ne vais pas. Des gens que je n’ai jamais vus et que je ne verrai jamais. J’ai huit ans, c’est rare d’écrire “jamais”. Mais tu m’as conduit à penser au mot “toujours”.

La pizzeria “Casa Nostra”, c’est là qu’on vient, avec ma famille pour les grandes occasions. En juin c’était le Brevet de mon frère. On était à la terrasse. Comme les gens qui sont morts hier soir. Le sable qui pompe leur sang ce soir, je le verrai toujours.

On habite rue de La Fontaine au Roi. C’est un nom joli. Un nom qui donne à rêver. Quand on était plus petits on jouait aux Rois, aux princesses quand Hanane Tlitch pouvait parce que sa mère avait pas vu qu’elle sortait. On jouait et on jouera encore, ça je le promets. Toujours. C’est pas parce que tu mitrailles les clients des cafés dans ma rue qu’on va tout arrêter. Je n’ai jamais bu de café mais je vais commencer. En terrasse.

Et le sable sous mes pieds, même si le vent l’a emporté, je le sentirai crisser. Toujours.

Demain c’est  dimanche, avec des copains on ira jouer au square de Saint Joseph des Nations, comme d’habitude, et plus que d’habitude. Jusqu’au moment où les lumières s’allument, et un peu après. Le soir, quand tu sors de ton trou pour tuer des gens. On aura peur, mais pas assez pour rentrer.

Des enfants joueront, des grandes personnes boiront aux terrasses, des concerts joueront, des stades feront le plein. Tu en saigneras peut-être encore plein, mais on y retournera. On criera plus fort, on rira jusqu’au lever du soleil.

Parce que, tu vois, ici, même quand on n’a pas beaucoup d’argent, on aime rire, boire des coups, saucissonner sur un banc presque propre dans des squares presque vides, sortir le vendredi soir et les autres, fêter le Brevet, les naissances. On est un peuple joyeux. Alors que toi, non.

Ma mère m’a dit que c’étaient peut-être des jeunes de chez nous qui ont fait ce qui s’est passé. Je les plains. Ils ne comprennent rien à la vie, à la joie, à l’espérance. Si tout ce qui les fait avancer c’est de fusiller des jeunes qui sont à un concert, à un match, à une terrasse, c’est qu’ils sont handicapés. Mais d’une sorte de handicap qui fait pas pitié, d’une sorte de handicapé qu’on n’aide pas à traverser la rue.

Je crois pas bien au Ciel et tout le machin, mais si la seule espérance de ces mecs c’était de se retrouver au Paradis, parce qu’ils ont assassiné des types qui finissaient une pizza en terrasse, c’est ou bien qu’ils sont barrés ou bien que leur dieu est un diable.

Les copains et moi on ira non seulement au square pour jouer jusqu’à la tombée, mais on se mettra au café, en terrasse. Mon grand frère qui n’est pas plus juif que moi, dit qu’il ira acheter ses courses chez Hypercacher. Et si tu t’en prends aux églises, il se pourrait qu’on aille à la messe.

Tu pourras pas nous empêcher, parce que tu es fou, de prendre des fou-rires, parce que tu es pesant d’être légers, parce que tu te caches de nous montrer. Toujours.

On va mener la vie d’avant, la vie de toujours.

Et la petite sœur que maman porte dans son ventre, longtemps après qu’on sera adultes ou déjà morts, elle ira jouer à Saint Joseph des Nations, boire des cafés à Casa Nostra, acheter du saucisson chez Hypercacher et rire jusqu’à la levée du jour. Et le joli son de son rire couvrira le bruit  sale de tes bombes.

Ah!  Oui, mes parents ont déjà choisi son prénom.

Elle s’appelle Victoire.

 

Gavroche

* j’écris “monsieur”, parce qu’on m’a dit que chez toi les dames ça compte pas.

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